L'Article

publié le mercredi 30 mars 2005 à 12h18

Scandale du beurre aux hydrocarbures

  • On l’appelle le "beurre de la Mafia italienne". Dans sa composition, il y a le plus sordide. La France a eu droit à 80% de cette mixture. Et pourtant silence...
    Par Jean-Claude Jaillette.
  • Voici sans doute l’histoire la plus noire de la malbouffe. Le scandale du beurre frelaté, aussi appelé "beure de la mafia italienne", couve depuis l’année 2000. Entre 1997 et 1999, 16 000 T de beurre ont été confectionnées dans la région de Naples à partir d’un tiers de vrai beurre et de deux tiers d’huile de coco et de graisse d’équarissage. Le tout amalgamé à l’aide d’hydrocarbures et de divers produits chimiques utilisés dans des cosmétiques importés d’Allemagne. Déjà la seule composition vous met le coeur au bord des lèvres. Mais le plus sordide reste à venir.
    Contrairement à ce qui a été écrit jusqu’à présent, ces graisses n’étaient pas du suif, produit particulièrement raffiné de l’équarissage, mais des graisses fabriquées à partir de déchets de bovins (cervelles, moëlle épinière, colonnes vertébrales), mis à l’écart lors de l’abattage parce que susceptibles de porter des prions responsalbles de la transmission de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), la maladie de la vache folle. l’information figure dans le rapport de la police italienne qui a servi de base au procès de ceux qui se sont livrés à cette fraude. L’agent de transmission de la maladie étant contenu dans les gaisses, et pratiquement indestructible, même à très haute température, il y a tout lieu de penser que le faux beurre a été contaminé, si les déchets l’étaient. Or, 80% de ce mauvais beurre ont été exportés vers la France, 20% vers l’Allemagne et la Belgique.

    Un dossier énorme Enquêtant sur une série de meurtres dans une fabrique de beurre, la police italienne finit par obtenir les confessions d’un repenti : il révèle qu’une vaste fraude aux subventions européennes a été organisée dans la région de Naples avec le soutien très actif de la Camorra, la branche napolitaine de la Mafia. Il s’agissait de fabriquer une marchandise à prix cassé tout en touchant des subventions réservées à l’exportation de produits laitiers composées à 99% de beurre. Le repenti a tout balancé : le nom du scientifique italien, expert reconnu en produits laitiers, qui a mis au point la formule chimique, puis certifié le "vrai-faux" beurre ; les noms des fonctionnaires de la policie, des douanes et de la répressiion des fraudes, achetés pour qu’ils ferment les yeux... Puis sont venus les noms des entreprises clentes, françaises notamment. La plus grande partie de la marchandise a transité par un petit courtier, Sodeproal (Val de Marne), missionné par une entreprise de l’Orne, Fléchard SA, spécialisée dans le beurre destiné à la pâtissserie industrielle et à la biscuiterie, mais aussi en butterghee, ces beurres mous réputés pauvres en cholestérol, et en produits laitiers gras destinnés à la reconstitution de lait à partir de poudre. Fléchard fournit de grands groupes laitiers comme Sodiaal (Yoplait, Candia) et exporte ses productions vers le Moyen Orient et l’Afrique. Lorsqu’il exporte hors de l’Europe ou fournit la pâtisserie, Fléchard obtient des subventions de l’Union européenne... pour des produits authentiques.

    La quasi-totalité des grands groupes laitiers ont été cités par le repenti que plus rien ne semblait pouvoir arrêter. A la suite de l’enquête italienne et après une plainte de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf) de l’Union européenne, la justice française a été saisie. Une instruction a été ouverte en 2000. Seuls les dirigeants de Sodepral et de Fléchard ont été mis en examen pour "escroquerie en bande organisée et fraude sur la qualité substantielle". Aucune charge n’a été retenue contre les autres entreprises. Depuis, deux autres juges d’instruction se sont succédés", laissant penser que la justice fraçaise traînait les pieds. "Faux, répond-on au tribunal de Créteil, chargé de l’affaire. le dossier est énorme, des commisions rogatoires internationales ont été lancées, en Italie notamment, pour connaître le volume et le montant des fraudes."

    Vache folle ou pas ? Evidemment, Fléchard comme Sodepral plaident la bonne foi. "Et, d’ailleurs, disent-ils, sur plus de 700 analyses commandées par l’Onilait (office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers) ont été effectuées, 4 seulement sont douteuses". Certes, mais les prélèvements ont été effectués sur des échantillons témoins de la production conservée par l’industriel lui-même. De plus, des écoutes téléphoniques figurent dans le dosser d’enquête italien qui laissent à penser que Fléchard et Sodepral protestaient auprès de leur fournisseur iltalien de la mauvaise qualité des livraisons. Avaient-ils décelé, par l’analyse, la présence de graisses d’équarissage dans le beurre ? Ont-ils importé en connaissance de cause ? L’instruction tente de démêmer le vrai du faux.

    Depuis le début de l’affaire, une eurodéputée allemande, Gabriele Stauner (PPE), n’a eu de cesse d’interroger la Commission européenne sur les risques sanitaires liés à la consommations des biscuits confectionnés à l’aide de ces beurres frelatés. Risques cancérigènes liés aux hydrocarbures ? Vache folle ou pas ? Convenant de l’existence des dangers potentiels, la Commision a renvoyé la responsabilité de l’alerte aux Etats membres qui connaissaient le dossier grâce aux instructions judiciaires.

    Quel Etat a organisé le rappel des produits dès 2000 ? Aucun. "Aucun n’a voulu prendre le risque d’une nouvelle psychose liée à l’ESB" affirme Paulo Casaca, eurodéputé (PSE) des Açores. Le ministère de la Santé allemand vient tout juste de reconnaître la réalité du risque. "Il y a trois scandales dans cette affaire, juge Jean-Louis Thillier, expert en santé publique auprès de la Commission européenne. La fraude aux subventions, la mise en danger de la santé publique et la passivité des Etats".

    Un détail encore : Gabriele Stauner, l’empêcheuse de baratter en rond, n’a pas été réélue. Elle était en positon inéligible sur la liste de son parti. L’entreprise allemande mis e en cause dans cette afaire et condamnée à rembourser les subventions indues est installée sur sa circonscription.

    Marie

    PS : D’après un article de "Marianne" du 29.01.05 au 4.02.05

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